Illustration issue de la vidéo The State of Wikipedia, réalisée par Jesse Thomas |
Il y a tout juste une semaine, Wikipédia fêtait ses 10 ans. Je suis étonné de ne pas avoir vu plus de sujets consacrés à cet événement, malgré le poids culturel de ce qui est aujourd’hui 5e site le plus fréquenté du web, avec 400 millions de visiteurs par mois. J’ai fini par me dire que cette relative indifférence était le signe qu’après avoir été l’objet d’interminables débats, Wikipédia s’est finalement fondue dans notre quotidien jusqu’à devenir évidente. Il n’empêche : je suis persuadé qu’un jour ou l’autre la fondation Wikimédia (créée en 2003 pour gérer Wikipédia et ses side-projects comme Wiktionnaire ou Wikiquotes) se verra remettre un prix Nobel de la Paix.
Quand on parle de Wikipédia, on pense tout de suite "Démocratie". D’une part, car elle permet l’accès gratuit à un savoir incommensurable dès lors qu’on dispose d’une connexion Internet. D’autre part, parce qu’avec plus de 1,2 millions de contributeurs à date, le site est le symbole-même de la coopération et du crowdsourcing —la preuve qu’une encyclopédie peut être l’affaire de tous. C’est d’ailleurs sur ce dernier point que je souhaite m’attarder.
Wikipédia, c’est plus de 10 millions de pages entièrement écrites par des bénévoles. Chacun peut participer et éditer, préciser voire remettre en question les articles. Mais là où Wikipédia marque une réelle rupture, c’est que n’importe qui peut y créer des sujets.
Je m’explique. Une encyclopédie traditionnelle couvrira des sujets traditionnels (la Guerre du Golfe, la philosophie Kantienne, le fonctionnement d’une banque centrale, etc.), qui plus est traités par des personnes légitimes. Wikipédia aborde également ces thèmes... mais pas que. Parce qu’il s’agit d’un ouvrage collectif et ouvert, l’encyclopédie en ligne regorge aussi d’articles sur des sujets incroyablement pointus. Comme avec les blogs, qui permettent théoriquement de court-circuiter le barrage de l’édition et publier tout ce que l’on veut, Wikipédia permet à tous de décider ce qui est digne d’intérêt et de faire l’objet d’une page. On se retrouve ainsi avec des articles aussi divers et détaillés que Godefroy 1er de Basse-Lotharingie, La théorie d'Everett ou encore New Babylon!
En ouvrant le processus de création d'articles, Wikipédia laisse le soin à ses contributeurs de déterminer ce qui est de la Culture et ce qui ne l'est pas. Un pouvoir immense et forcément politique, puisque décider des limites du savoir c'est façonner notre perception du monde. A cet égard, ce qui est frappant, c'est que pour la première fois, "pop", "sous", "contre" et "haute" Cultures sont rassemblées dans un seul et même corpus, et sur un quasi pied d'égalité
L'aspect le plus démocratique de Wikipédia n’est donc pas seulement d'être libre d'accéder à la Culture ou même d’écrire dessus, mais bien de la définir.
Évidemment, cette liberté laissée aux utilisateurs débouche sur une tendance à l'anecdotique (vous imaginez un article d'Universalis sur ça?). Cependant, avoir des centaines d'articles sur d'obscurs groupes de trash-metal n'empêche pas d'en avoir des milliers d'autres sur des sujets plus profonds. Au-delà, cette profusion garantit en partie la neutralité de l'encyclopédie en ligne. Enfin, cela fait de Wikipédia un merveilleux lieu de sérendipité : qui n'a jamais cliqué sur "Une page au hasard" (on devrait le faire tous les matins) ou simplement divagué d'article en article, au fil des découvertes?
Qu'en pensez-vous?
Manquerait plus que Wikipédia se fasse racheter par Orange, en Wikipédia Premium Plus ;-)
RépondreSupprimer