Ellen DeGeneres, une des présentatrices de talk-show les plus populaires des Etats-Unis, a diffusé lundi dernier une parodie de publicité iPhone dans laquelle elle feignait de ne pas savoir se servir de cet appareil pourtant connu pour sa simplicité. La parodie était gentillette, mais cela n'a pas plu à Steve Jobs, qui l'a fait savoir. Résulat : DeGeneres a retiré la fausse publicité de son compte Youtube et présenté avant hier des excuses télévisées sur le ton de l'humour à Apple pour "avoir fait passer l'iPhone pour quelque chose de dur à utiliser."
Vous avez bien lu : une humoriste qui présente ses excuses, et même pas à une personne qu'elle aurait blessée en la traînant dans la boue, mais à une marque pour avoir fait un clin d'œil à un produit quasi-hégémonique! Si Apple s'est longtemps moqué ouvertement de Windows dans ses publicités (cf. la campagne Get a Mac de TBWA\Chiat\Day), elle ne semble en revanche pas goûter l'auto-dérision...
En réalité, "l'affaire" DeGeneres n'est que le dernier exemple en date du repli sur soi d'Apple, entreprise qui semble devenir chaque jour plus hautaine et paranoïaque.
Par exemple, après avoir "perdu" un iPhone 4G dans la nature, la pomme a de nouveau revu sa sécurité intérieure à la hausse, et n'a pas hésité à faire perquisitionner le domicile du journaliste qui avait acheté le précieux prototype. Quelques semaines auparavant, Apple avait également créé la controverse en imposant aux développeurs iPhone des conditions drastiques (plus de nudité ou même de bikinis dans les applications) après avoir supprimé unilatéralement toutes les applis érotiques ou pornographiques de l'App Store. S'ajoute à cela la guéguerre qui oppose depuis plusieurs mois Steve Jobs à Adobe autour du format Flash, omniprésent sur Internet (utilisé pour les jeux, les sites, les vidéos) mais délibérément non-supporté par l'iPhone et l'iPad.
Au delà, je ne parle même pas de l'entrée fracassante de la firme de Cupertino sur les marchés du livre électronique (iBooks) et de la publicité (avec la régie iAd), des initiatives qui ont leurs bons comme leurs mauvais côtés, mais qui prouvent surtout qu'Apple a troqué ses habits d'éternel outsider pour ceux du leader agressif qui doit sans cesse étendre son empire.
Même si les PC (et par extension Windows) et les téléphones potables autre que l'iPhone représentent encore la très grande majorité de leurs marchés respectifs, on se demande si aujourd'hui le célèbre "Think different" n'est pas devenu paradoxalement l'apanage de Microsoft ou RIM/Blackberry...
Les critiques à l'encontre d'Apple ne sont pas nouvelles : la société est régulièrement pointée du doigt pour ses nombreux formats propriétaires (le AAC sur iTunes par exemple) et son environnement de développement très cloisonné. Mais aujourd'hui, c'est réellement son attitude globale vis-à-vis de son secteur, des médias et même de ses propres clients qui pourrait lui porter préjudice.
Car, sans verser dans la sagesse de comptoir, il ne faut pas oublier qu'à se croire insubmersibles, certaines marques coulent, et ce en particulier dans les nouvelles technologies. Motorola, Yahoo!, Nokia ou même Dell en ont déjà fait les frais. D'ailleurs, une étude publiée en décembre par Morgan Stanley montrait clairement que le secteur des TIC évoluait par cycles, avec à chaque fois, dans une sorte de processus de destruction créatrice, des gagnants et des perdants.
Bien sûr, il ne faut pas confondre stratégie de communication et stratégie tout court : Apple possède à l'heure actuelle une stratégie globale visionnaire, qui devrait lui assurer prospérité pour un bout de temps. Cependant, s'enfermer dans sa tour d'ivoire et ne tolérer aucune critique ou échange avec le monde extérieur pourrait, sur les moyen et long termes, se révéler plus dommageable qu'il n'y paraît... Facebook ou Google l'ont bien compris. Avec Apple, ce sont probablement les deux autres sociétés que rien ne semble pouvoir arrêter aujourd'hui : entre la première qui continue de croître à un rythme exponentiel et la seconde qui tutoie les gouvernements, on se demande jusqu'où s'étendra leur domination du monde. Pourtant, toutes deux n'hésitent pas à engager leur dialogue avec leur utilisateurs -avec plus ou moins de succès-, et parfois même à reconnaître leurs erreurs.
T'as du boulot, Steve...
T'as du boulot, Steve...
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