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Le streaming de contenus premium se développe à grande vitesse grâce au modèle d’abonnement mensuel. Un système simple mais pas forcément viable. Comment recréer de la valeur sur le long terme ?
En 2018, les modes de production, distribution et consommation de contenus culturels devraient poursuivre leur transformation en profondeur.
Le streaming d’émissions, séries ou films est en pleine explosion. Tandis que Netflix devrait bientôt dépasser les 120 millions d’abonnés, la croissance du secteur aiguise les appétits. L’été 2017 a ainsi été marqué par une incroyable fuite en avant dans l’audiovisuel, Amazon, Apple et Netflix se disputant les meilleurs talents du secteur à coup de centaines de millions de dollars. De même, il y a quelques semaines encore, Disney annonçait le rachat de l’essentiel des actifs de 21st Century Fox, avec pour objectif affiché de construire à l’horizon 2019 une offre propriétaire de streaming capable de rivaliser avec les GAFAs.
Un phénomène similaire est observable dans le streaming musical, qui a connu ces derniers mois un point d’inflexion et redonné des couleurs à l’industrie musicale. Conséquence : les géants du secteur fourbissent leurs armes pour attirer de nouveaux clients. Spotify, qui vient de franchir les 70 millions de membres payants, a conclu un accord-cadre avec Tencent pour conquérir un marché chinois encore limité et s’apprête à entrer en bourse dans les mois à venir. De même, Apple s’est récemment offert quelques pépites dont Shazam pour étoffer Apple Music.
LE MODÈLE DE L’ABONNEMENT MENSUEL EST-IL LA PANACÉE ?
Ce qui est intéressant ici, c’est que l’on voit émerger un modèle unique d’accès aux contenus premium : l’abonnement mensuel pour une petite somme, autour de $9,99 ou 9,99€. Un système potentiellement transposable partout : sport, presse ou cinéma, comme en témoigne le phénomène MoviePass aux Etats-Unis (un abonnement mensuel à $9,99 permettant d’aller au cinéma une fois par jour pendant un an). Ce service existait depuis longtemps mais son prix était auparavant bien plus élevé — le passage sous le seuil psychologique des $10 lui a apporté plus de 1,5 millions de clients en à peine quelques semaines !
Cependant, ce modèle unique pose la question fondamentale de la valeur réelle des contenus. En effet, si le prix unique de $10 est un formidable moyen de recruter et créer rapidement des usages, il se révèle bien souvent peu rentable pour l’entreprise qui le propose. Les contenus coûtent cher et les économies d’échelle ne suffisent que rarement à combler le manque à gagner. C’est ainsi que malgré son succès, Spotify cumule de colossales pertes (600 millions de dollars en 2016).
C’est là tout le dilemme de ces nouveaux géants du contenu : comment concilier l’impératif de volume avec celui de préservation de valeur ? Comment créer des usages de masse à court terme sans détruire son business à moyen-long terme ?
QUATRE PISTES DE (RE)-CRÉATION DE VALEUR
Notre conviction, c’est que les prochains mois feront émerger quatre pistes de création de valeur pouvant se recroiser
- L’augmentation pure et simple des prix, souvent adossée à des services additionnels exclusifs afin de consolider la valeur perçue. C’est le cas de Netflix ou Amazon, qui ont récemment été contraints d’augmenter leurs tarifs de quelques dollars. A noter que seuls les services disposant d’un public captif peuvent se permettre de telles décisions… ;
- L’intégration verticale de la chaîne de valeur, de la production à distribution du contenu. Cela permet un meilleur contrôle des coûts et revenus. C’est le modèle de Netflix, qui produit de plus en plus de contenus propriétaires et cela sera celui de Disney un fois ses actifs consolidés avec ceux de Fox dans une offre unique
- Un modèle à deux entrées : pour compenser le manque à gagner de l’abonnement à bas prix, on le double par la vente d’espaces publicitaires ou de données clients aux annonceurs : c’est la direction dans laquelle devraient s’engager Spotify ou MoviePass ;
- Dernière piste et non des moindres, celle du produit d’appel : ici, le contenu en soi peut ne pas être rentable car on le considère comme un élément parmi d’autres d’un écosystème de services clos. C’est le modèle d’Apple, Google ou Amazon, qui utilisent le contenu comme un faire-valoir afin de vendre davantage de matériel, de publicité ou de produits.
Si tous les secteurs de contenus ne partagent pas la même logique — il y a d’énormes différences entre les séries, le sport et la musique — , tous seront confrontés en 2018 à ce dilemme de la préservation/création de valeur.
La bonne nouvelle, c’est que les consommateurs sont prêts à payer pour des contenus légaux de qualité. La question demeurant, plus que jamais, « à quel prix ? »