samedi 29 octobre 2011

Chimie et sentiments

Pendentif "Ocytocine" (en vente sur Etsy)
Toujours plus original qu'une parure VC&A...
Il y a quelques temps, j'ai consacré un papier à cette drôle d'hormone qu'est l'ocytocine. L'article devait figurer dans un certain magazine mais est passé à la trappe pour cause d'investissements publicitaires de dernière minute (ceux qui me connaissent goûteront l'ironie...). 
Comme je suis un peu  frustré, voici l'article!
 ***
Pour rigoureuse qu’elle soit, la recherche médicale a aussi ses modes. A cet égard, l’engouement de la communauté scientifique pour l’ocytocine, hormone confidentielle il y a encore 15 ans, est spectaculaire. Il faut dire que cette substance sécrétée par l’hypophyse, connue pour être, chez les femmes, à l’origine des contractions et des montées de lait, semble avoir tant de propriétés miraculeuses que l’on a fini par la surnommer molécule de l’amour. Un sobriquet plus noble que son nom grec, qui signifie "accouchement rapide"!

Etroitement associée à l’érotisme, l’ocytocine irradie les amants après l’orgasme et vient renforcer chimiquement la passion qui les lie. C’est ce rôle central dans l’alchimie amoureuse qui l’a faite connaître du grand public. Mais au-delà des couples, ce neurotransmetteur contribue à créer l’affection entre les parents et leurs enfants, et plus globalement, entre les hommes et leur famille, leur communauté. Parce qu’elle tend à inhiber les mécanismes de la peur pour stimuler ceux du plaisir, l’ocytocine agit comme un puissant moteur de générosité et d’empathie. Elle favoriserait la confiance, pousserait au don de soi et nous rendrait tout simplement plus sociables. Une étude du Centre de neuroscience cognitive de Lyon a même mis en lumière ses effets positifs dans le traitement de l’autisme.

L’ocytocine pourrait-elle être la clé de voûte du vivre-ensemble? Possible —du moins en partie. Car ce serait en ignorer certains effets moins positifs. En suscitant l’altruisme et l’amour de la communauté, l’hormone développe aussi l’esprit de clan et la méfiance vis-à-vis de ceux qui n’en font pas partie. La «gentille» molécule se muerait dès lors en source de xénophobie inconsciente, et expliquerait même des comportements agressifs de défense du groupe pouvant aller jusqu’à l’auto-destruction. Quand l’éros cède la place au thanatos...

Derrière tous les travaux sur l’ocytocine se pose la question de la frontière poreuse entre conscient et inconscient, volonté et pulsions, raison et passion. Nos agissements ne tiennent-ils qu’à quelques molécules? C’est précisément ce que cherche à déterminer Paul J. Zak, un scientifique américain très tôt intrigué par l’ocytocine. L’homme est un pionnier de la neuroéconomie, une jeune discipline qui, comme son nom l’indique, étudie nos décisions quotidiennes au travers du seul prisme biologique. Une approche qui n’est pas sans rappeler celle d’un Henri Laborit, célèbre médecin auteur d’essais particulièrement radicaux sur le comportement humain (dont Eloge de la fuite, publié en 1976).

En attendant, la ferveur autour de l’ocytocine ne faiblit pas. Conséquence prévisible de cette frénésie : la commercialisation par des charlatans d’une flopée de sprays "magiques" et autres pseudo-philtres censés rendre plus tendre ou accroître la confiance de vos interlocuteurs... Et l’amour, dans tout ça?



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