dimanche 12 décembre 2010

Comment cartographier l'inconscient collectif en 800 pages

Dans la famille «acharnés», je voudrais... les chercheurs de l’ARAS (Archive pour la Recherche en Symbolisme Archétypal). Ces New Yorkais ont passé les 14 dernières années à collecter un peu partout des milliers d’images dont la somme permettrait, selon eux, de cartographier l'inconscient de l’humanité. Rien que ça!

Petite explication : les travaux de l’ARAS se fondent en partie sur ceux du célèbre psychologue suisse Carl Jung, qui postulent l’existence d’archétypes, c’est à dire des "structures de représentation" universelles, dont nous sommes plus ou moins conscients et qui nous influencent au quotidien dans la perception de notre environnement. Ces structures seraient innées et se retrouveraient symbolisées sous forme artistique dans toutes les cultures et à toutes les époques, des statuettes pré-colombiennes au clip de rap US. Ok j'exagère, mais à peine. Un exemple (merci Wikipédia) : l’arbre de vie. Il s’agit d’un motif signifiant que tout sur terre serait connecté d’une manière ou d’une autre. On le retrouve partout, des mythologies chinoises ou égyptiennes jusqu'au Avatar de James Cameron, en passant par le Judaïsme et la théorie Darwinienne.

Quelque part, la pensée jungienne est un idéalisme dans le plus pur style de Platon (le monde des idées, remember les cours de Terminale?) : il existerait des formes «primordiales» qui ne peuvent être vues par l’Homme, mais qui lui apparaissent de manière détournée -ici, dans l’art et dans les rêves. Le concept en lui-même d’archétype se révèle d’ailleurs si complexe et polysémique qu’on peut en retrouver la trace chez de nombreux penseurs -un comble!-, de Locke (même si son empirisme l'oppose clairement à Jung) à Algirdas Greimas en passant par Lévi-Strauss. Leur seul et unique point commun étant qu’il reste toujours quelque chose d’universel et transculturel.

Inutile de dire que, comme beaucoup de théories "globalisantes", qui cherchent à expliciter le monde dans sa totalité, la pensée de Jung est aussi influente que controversée. D’une part, elle est si radicale que certaines de ses composantes présentent le risque d'être détournées (ce que le régime nazi a fait). D’autre part, certains reprochent à Jung d’avoir inventé un concept populaire et puissant, mais trop flou pour être scientifiquement crédible.

Quoi qu’il en soit, certaines catégories de personnes ne peuvent rester indifférentes au principe d'archétype. Parmi elles : les écrivains, les réalisateurs ou les plasticiens... mais également les publicitaires! Cela fait sens : en appuyant le discours sur un motif fortement ancré dans l’inconscient collectif, on touche le public au cœur. Le professeur canadien de marketing Georges Hénault voit même dans les archétypes le "Saint Graal du marketing international", puisque leur caractère universel signifie qu’ils fonctionnent théoriquement dans tous les pays.

Pour revenir aux chercheurs de l’ARAS, ils se sont associés avec la maison d’édition Taschen pour éditer un livre, intitulé The Book of Symbols, qui explore quelques 350 «archétypes» au travers d’images collectées à droite à gauche et de courts textes rédigés par des psychanalystes, des universitaires ou des artistes. Le livre, qui fait plus de 800 pages et devrait plaire aussi bien aux marketeurs qu’aux curieux et aux rêveurs, sera disponible en France courant janvier.


Image : Arbe de vie, détail d'une fresque (1905-1909) de G.Klimt conservée à Vienne


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