dimanche 13 juillet 2014

Le monde numérique marche-t-il sur la tête?



Acte 1
Mi-juin, une application du nom de Yo fait les gros titres de la presse techno et économique. Lancée en avril par deux développeurs israéliens, ce service franchement simpliste qui ne permet d'échanger que des "yo" a tout de même réussi à boucler un tour de table de 1,2 million de dollars ! Résultat : l'appli explose et attire plus d'un million d'utilisateurs en une semaine, les experts dissertent sur le caractère révolutionnaire -ou pas- d'une telle invention et les marketeurs s'engouffrent dans la brèche. Les créateurs de Yo disent désormais travailler avec de nombreux développeurs pour enrichir leur service et l'intégrer à d'autres.

Acte 2 
Début juillet, Zack Brown se rend sur la plateforme de crowdfunding Kickstarter pour créer son premier "projet" : réaliser une salade de pommes de terre. En effet, le jeune homme se dit un peu timide et demande le soutien d'Internet en se fixant pour objectif de rassembler la somme de 10 dollars à titre d'encouragement. Deux semaines plus tard, il a déjà reçu 6000 promesses de don pour un montant de quelque 50.000 dollars ! Invité à témoigner sur tous les plateaux de télé des Etats-Unis, Brown semble dépassé par un tel plébiscite mais assure qu'il fera "tout ce [qu'il] peut" pour partager avec chacun de ses donateurs un bout de sa fameuse salade, où qu'ils se trouvent sur la planète.
La salade de pommes de terre à 50.000 dollars...
Acte 3
Vendredi 11 juillet, la startup Cynk voit sa cotation suspendue par la SEC, l'autorité des marchés américaine. En cause : cette minuscule entreprise, qui monnaye des mises en relation avec des stars, a beau être abandonnée depuis plusieurs années, son cours a explosé en prenant +36.000% en quelques semaines ! Valorisée près de 6 milliards de dollars, la société fantôme n'était cotée que de gré à gré et restait donc moins surveillée que les grands marchés. Elle pourrait bien avoir fait l'objet de manipulations de cours, notamment via Twitter...
Le cours de Cynk a explosé en l'espace de deux semaines
Au vu de ces trois histoires concomitantes, on est en droit de se demander si le monde numérique ne marche pas sur la tête depuis quelques jours. Et de redouter la formation d'une nouvelle bulle digitale.

Dans un article publié fin 2013 dans la revue Physical Review Letters, les scientifiques Daniel Gauthier et Didier Sornette appliquaient l'étude des phénomènes physiques à la théorie du chaos. Leur hypothèse, comme le rapportaient alors Wired et Les Echos, est que l'on peut prévenir la montée de ce qu'ils nomment "rois dragons", c'est-à-dire des événements aux proportions et conséquences monstrueuses (cousins des "cygnes noirs" de Nassim Nicholas Taleb), en tâchant de mieux détecter leurs prodromes. A ce titre, les cas Yo, "Potato Salad" ou Cynk pourraient-ils être des signes annonciateurs d'une futur dégonflement de bulle?

Depuis trois ans, les interrogations sur la probabilité d'une nouvelle bulle Internet occupent très régulièrement les colonnes de la presse économique, qui est semble-t-il restée davantage traumatisée par la crise dotcom du début des années 2000 que par n'importe quel autre krach spéculatif. On vous rassure : l'analyse comparative des données demeure à ce jour plutôt positive. Cependant, ce n'est pas une raison pour baisser la garde...

Cet article a également été publié sur la plateforme Medium




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