lundi 9 août 2010

Les contenus sponsorisés au secours de la presse?

Qui n’a jamais lu, juste pour rire, un publireportage? Ces vrais-faux articles peuplent la presse magazine (en particulier les féminins), et semblent postuler que le lecteur ne sait pas faire la différence entre un communiqué de presse maquillé et un véritable travail journalistique. Le problème, c’est que quand on se trouve face à une page entièrement consacrée aux différentes façons d’accomoder l’huile d’olive Puget pour préparer un apéritif "fada" (sic), ça ne fait pas illusion... Pourtant, je suis persuadé que cette forme de publicité a de beaux jours devant elle, et qu’elle pourrait même être une porte de sortie de crise parmi d’autres pour la presse écrite.

Attention, je ne parle plus ici des vulgaires publicommuniqués que l’on croise dans les pages de Cosmo ou Femme Actuelle, mais d’une forme plus subtile d’articles, que l’on peut appeler «contenus sponsorisés», bien que le terme soit assez générique.
Là où le publicommuniqué n’a pas réellement de valeur ajoutée, le contenu sponsorisé reste avant tout un contenu. À ce titre, il s’inscrit sans heurts dans la ligne éditoriale et l’identité visuelle du magazine, et lui apporte quelque chose en plus.
Les meilleurs exemples de contenus sponsorisés peuvent être trouvés dans la presse anglosaxonne, et notamment dans le très hype mensuel lifestyle Monocle. Son créateur, le canadien Tyler Brûlé (également fondateur de Wallpaper*, bible du design, de l’architecture et de l’art contemporain), a très tôt ouvert son magazine à cette nouvelle forme de publicité. Les contenus sponsorisés y pullulent, allant du simple podcast au dossier complet avec pour thème de fond la marque l’ayant commissionné. BMW, Diageo et les offices de tourisme de Taiwan ou Lille font ainsi partie des marques qui ont déjà collaboré avec la rédaction de Monocle. Le principe existe aussi en France, bien que plus marginalement. À une époque, le magazine Ideat proposait chaque mois un dossier voyage sur une destination de rêve, discrètement parrainé par Jet Tours. De même, le trimestriel Citizen K contient régulièrement des séries de photos dédiées à une seule marque (ou "programmings"), et présente dans son dernier numéro un article -que j’aurais bien aimé écrire perso- consacré aux seuls palaces de la prestigieuse chaîne d’hôtels Oetker Collection.

L’intérêt du contenu sponsorisé, s’il est bien fait, c’est qu’il participe d’un système où tout le monde est gagnant. Pour le lecteur, il signifie moins de publicités «classiques» (comprendre envahissantes), et plus de rédactionnel (de qualité, puisqu’il est directement rédigé par les contributeurs du magazines). Pour le magazine il s’agit bien sûr d’une importante source de revenus qui permet de ne pas trop sacrifier aux contenus. Enfin, pour les annonceurs, c’est la garantie d’une exposition plus longue et de meilleure qualité, et surtout l’occasion de faire du brand content pour renforcer la personnalité de leur marque. Car à la différence du publicommuniqué, qui tente de fourguer subrepticement de l’huile d’olive à la ménagère, le contenu sponsorisé se situe plus dans la promotion d’une marque que d’un produit en particulier (même s’il peut y avoir des exceptions).

J’ai conscience que cette vision est un peu idyllique et qu’à l’inverse, laisser aux annonceurs le soin de dicter les sujets est dangereux. Cependant, limiter par voie légale les contenus sponsorisés est tout à fait possible... si ce n’est pas déjà fait, puisque pour être inscrit à la Commission Paritaire, un titre de presse ne doit pas accorder plus de ⅔ de ses pages à la pub.
Au delà, c’est au journaliste de trouver le juste équilibre entre la défiance vis-à-vis du marketing (ça m’étonnerait que le Monde Diplomatique ouvre ses pages à un annonceur de sitôt) et le "selling-out". A cet égard, l’exemple de Monocle est parfait, puisque les marques n’y sont pas bêtement encensées. Elles apparaissent plus comme des mécènes, voire comme des collaboratrices des journalistes.
Ce qui nous amène à mon dernier point : pour que le contenu sponsorisé soit enrichissant pour tous, la marque et la publication doivent partager plus qu’une simple relation transactionnelle. Des valeurs communes, notamment (par exemple, pour Monocle, Ideat ou Citizen K, c’est une certaine vision hédoniste de l’art de vivre que les lie à des marques comme Absolut, Jet Tours ou Diesel).

Le système des contenus sponsorisés est déjà largement répandu à la télévision, où il est appliqué de manière plus (les publicités BMW durant la première de la nouvelle saison de Mad Men) ou moins (les innombrables petits programmes sponsorisés à la Du côté de chez vous) fine. Il est également très présent sur Internet (webTV, podcasts, billets sponsorisés). Malgré cela, la presse reste assez fermée à ces pratiques, sans doute à cause de son caractère "sacré".

Qu’en pensez-vous? Accepteriez-vous plus de contenus sponsorisés pour avoir moins de publicité?
Par ailleurs, je ne suis pas spécialiste du marketing de la presse, donc si vous avez des remarques ou suggestions, n’hésitez pas!


Edit : J'avais oublié de signaler que le concept de "contenus sponsorisés" fonctionne à merveille dans l'industrie musicale, et ce depuis quelques années. Les Black Eyed Peas et surtout Lady Gaga me semblent être les plus en avance de ce côté-là, mais d'autres collaborations (légèrement) moins mainstream existent également, comme celle, très récente, du groupe d'électro Faithless avec Fiat.



2 commentaires:

  1. Au final, c'est un peu comme le placement publicitaire dans les films ?

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  2. Oui je pense que c'est assez proche dans l'esprit! Mais pour que l'analogie soit encore plus forte, il faudrait que le produit placé joue un rôle (même limité) dans l'intrigue du film...

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