dimanche 17 juin 2012

Pourquoi l'avenir de Facebook n'est pas dans la publicité



Facebook, vous connaissez? Quelques semaines après son entrée en bourse controversée, le méga-réseau social continue de faire couler beaucoup, beaucoup d'encre. En témoigne ce passionnant article de la MIT Technology Review au sujet de la "Facebook data team". Cette petite cellule de travail composée d'une douzaine de grosses têtes seulement (mais comptant près de 145.000 fans) triture les chiffres pour en faire ressortir de grands enseignements telles que la variation du "bonheur national brut" au travers des status ou les chansons les plus écoutées par les utilisateurs juste après une rupture.

Mais n'allez pas croire que cette équipe n'est là que pour fournir des sujets de papier aux journalistes et blogueurs. La Data team est probablement le noyau autour duquel se construira demain le véritable business model du réseau social.

En 2012, Facebook devrait réaliser un chiffre d'affaires de 5 milliards de dollars grâce à la publicité, en hausse de 60%. Un succès qui s'explique aisément : le service possède une place privilégiée dans le quotidien d'un public immense et présente de belles opportunités de création et de ciblage. Mais pourquoi se contenter de vendre des espaces publicitaires, même calibrés, lorsque l'on possède une telle base de données que l'on pourrait conseiller les entreprises et services publics dans leurs stratégies au global?

En d'autres termes, pourquoi cibler a posteriori le message sans toucher à l'offre quand on peut analyser a priori les besoins et aspirations du public afin de lui proposer des produits ou services réellement adaptés?

Pour comprendre les consommateurs, mon agence utilise entre-autres SIMM-TGI, un questionnaire pan-européen mis en place par Kantar Media, qui rassemble en France 15.000 répondants interrogés sur des dizaines et des dizaines de sujets. Un travail titanesque qui se veut le plus exhaustif possible. Imaginez maintenant la même étude, mais effectuée en continu auprès des 25 millions de français membres de Facebook. Le caractère incommensurable des données à traiter n'aurait d'égal que la finesse des insights en émergeant.

Avec 900 millions de membres de membres Facebook est tout simplement le plus gros panel du monde. Et un panel qui n'est pas que quantitatif : parce qu'il est un outil de conversation avant tout, il présente aussi d'immenses opportunités de recherches qualitatives (focus groups, interviews individuelles, serious games, etc.)...

Je sors de 3 jours de masterclasses Hyper Island au cours desquelles on nous a une nouvelle fois asséné LA catchphrase de 2012 : "Data is the new oil" (il se disait d'ailleurs exactement la même chose au même moment à Futur en Seine). Cette formule me hérisse le poil mais permet de rappeler que comme le pétrole, les data ne servent pas à grand chose si l'on se contente de les extraire sans les raffiner.
Si l'on file la métaphore, Facebook est aujourd'hui une pétromonarchie avec des milliards de litres d'or noir dans son sol mais une seule, minuscule raffinerie artisanale à sa surface. Dès que Mark Zuckerberg saura comment tirer parti des ses immenses réserves, son réseau social réinventera son business model, passant d'un simple support publicitaire à une machine à sonder les consommateurs, les citoyens, la société. Aux entreprises et gouvernants de se positionner le plus rapidement possible pour profiter de cette manne.

Edit : Cet article a été adapté sous forme de tribune dans le numéro du 05/07/2012 de Stratégies



2 commentaires:

  1. Penses tu vraiment que Facebook soit un échantillon représentatif?
    25 millions de français cela reste évidemment impressionnant, mais s'il constitue une réelle database, elle reste quand même à mon sens encore étriquée dans les 14-35 ans, et je ne suis pas convaincue que cela changera à l'avenir. Les anciens (nous) finissant par quitter le réseau par lassitude ou volonté de protéger leur vie privée? (pourquoi ne l'ai-je toujours pas fait d'ailleurs? "De l'exhibitionnisme volontaire" aurait dit La Boétie)
    Anyway, en se restreignant à utiliser FB, ne risque t on pas de passer à coté d'autres publics? Peut on réellement parler de ce que veut "la Société" en ne parlant que des utilisateurs (et seulement des intensifs qui plus est - et non des profils fantomes n'apportant aucune information)de Facebook? Penses tu que FB peut et va encore étendre son network de façon exponentielle?

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  2. Merci pour le commentaire :)
    Dans l'immédiat, 25m de personnes c'est de facto représentatif, même si évidemment les plus gros utilisateurs (et donc ceux qui lâchent le plus de données) restent des jeunes.
    A terme, il y a effectivement un risque que les plus âgés quittent le réseau social par lassitude, mais du coup c'est à Facebook de se rendre toujours plus indispensable, en proposant de nouveaux services innovants ou en servant de support à d'autres réseaux sociaux (au hasard, Instagram). S'ils réussissent leur coup, ils pourraient profiter d'un effet de génération, avec virtuellement 100% des gens des générations à venir inscrites...

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