Le Dogecoin, une bonne blague qui a pris des proportions inouïes |
2013 aura vu l'explosion du Bitcoin, monnaie virtuelle couplée à un système de paiement en ligne. Journalistes, économistes et investisseurs se sont relayés toute l'année pour analyser et commenter ce phénomène, alimentant au passage une impressionnante bulle spéculative qui a multiplié la valeur d'un BTC par 78 en 12 mois.
Sur le papier, la crypto-devise inventée en 2009 par un collectif de programmeurs sous le pseudonyme de Satoshi Nakamoto a tout pour continuer à monter en puissance. Grâce à un ingénieux système de vérification des transactions, elle est plutôt sûre et inspire une relative confiance, le critère n°1 de solidité d'une monnaie. Par ailleurs, elle profite d'un bel effet de réseau car elle est acceptée par de plus de plus de commerçants curieux ou souhaitant se payer un coup de pub. Mais le principal argument en faveur du Bitcoin est sa neutralité, car il ne dépend d'aucun pouvoir politique, institutionnel ou économique. Impossible, a priori, d'en moduler la circulation afin de manipuler ses cours ; le seul moyen d'en créer est de résoudre de complexes équations. Farouchement libertarien et méritocratique, le Bitcoin est l'incarnation de l'esprit hacker.
Cependant cette monnaie possède aussi ses failles, à commencer par sa nature fondamentalement déflationniste. En effet, la masse de BTC en circulation est délibérément limitée à 21 millions. En conséquence, la devise virtuelle pourrait vite peiner à soutenir l'accroissement des échanges et de la richesse, ce qui provoquerait une envolée de sa valeur unitaire bien au delà des records déjà établis. Le Bitcoin serait ainsi voué à n'être qu'une monnaie de réserve car sa quantité est aussi finie que celle de l'or.
Mais c'est surtout la méfiance des États, qui n'apprécient guère de voir leur pouvoir de frapper monnaie remis en cause, qui représente une menace majeure pour le Bitcoin. Plusieurs banques centrales ont émis des doutes sur cette nouvelle devise. Certaines mesures restrictives prises par la Banque de Chine ont même précipité un krach mi-décembre. De quoi ajouter au caractère volatil d'une monnaie capable de dévisser comme d'exploser en quelques jours...
"Oui, changez tous mes Bitcoins en Dogecoins" |
Ce qui m'interpelle, c'est que derrière leur façade geek et potache, Dogecoin et CoinyeWest n'en portent pas moins le même message que le Bitcoin et les dizaines d'autres crypto-devises déjà en circulation, à savoir celui d'une monnaie 100% indépendante et décentralisée. Ce qui nous rappelle que toute monnaie est porteuse de valeur économique mais également de valeurs philosophiques...
Dans son ouvrage Philosophie de l'argent (1900), le sociologue Georg Simmel montrait que l'argent tel que nous le connaissons aujourd'hui est issu d'un mécanisme d'abstraction qui a vu le passage au fil des siècles du troc à une monnaie d'échange possédant une valeur intrinsèque comme le sel ou l'or, puis enfin à une monnaie n'ayant qu'une valeur faciale, qu'on lui prête par convention. Entièrement immatérielles et dépourvues d'attaches territoriale et politique, les Bitcoins, Dogecoins, etc. pourraient-elles s'inscrire dans ce grand processus d'abstraction? A voir... Une seule chose est sûre : elles sont une preuve de plus que le Numérique continue de transformer en profondeur nos usages jusqu'aux plus établis !
Qu'en pensez-vous?
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