A peine dix mois après son lancement à New York par le pâtissier Dominique Ansel, le Cronut continue de déchaîner les passions. Ce croisement entre un croissant et un beignet gorgé de crème parfumée crée de gigantesques files d'attente et génère des milliers de tweets et photos Instagram. Les blogs culinaires glosent tous sur ce "tour de force d'ingénierie" (dixit le New York Magazine), le moindre site de recettes en propose son interprétation et les copies se multiplient aux quatre coins du monde. Triomphe critique et populaire, le Cronut pourrait bien être le premier "classique" de la pâtisserie de l'ère 2.0.
Maintenant, fermez les yeux et imaginez 30 secondes ce qu'aurait été le cadrage médiatique du Cronut s'il s'agissait du même produit mais commercialisé à grande échelle par une marque comme Kraft, Nestlé ou même Starbucks :
"Un croissant génétiquement modifié sorti de l'esprit de marketeurs déconnectés de la réalité."
"Une fois de plus, les géants de l'agro-alimentaire pervertissent un des piliers de notre culture gastronomique en y ajoutant force graisse et sucre."
"Le Cronut a surtout le goût d'un énorme coup de com' !"
On accuserait probablement son créateur d'être un apprenti sorcier maltraitant nos papilles comme nos artères... Car sous ses dehors de savoureuse viennoiserie, le Cronut n'en demeure pas moins un "case study" marketing à lui tout seul. Dominique Ansel a semble-t-il coché toutes les bonnes cases : une dose de relations presse, une offre limitée à 300 exemplaires par jour (et 2 par personne) pour créer la pénurie, un lieu de vente unique au cœur de Soho, une recette qui varie chaque mois et bien sûr une marque déposée pour éviter les dérives.
Ansel ne souhaite pas surexploiter sa trouvaille mais déjà d'autres s'engouffrent dans la brèche de la nourriture hybride et l'on voit fleurir un peu partout doughscuits (donut+biscuit), duffins (donut+muffins), crookies (croissants+cookies) et autres cragels. Si la folie du Cronut se tassera probablement à mesure que sa recette se démocratisera, elle aura achevé de désinhiber les pâtissiers et poussé toujours plus loin la logique de la cuisine fusion... comme en témoigne une autre innovation new yorkaise : le ramen burger. 2014, année hybride?
Le "mashup" appliqué à la cuisine!
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