dimanche 13 juin 2010

Culture ouverte, culture fermée : pourquoi le modèle Apple s'inscrit dans l'ère du temps

Depuis quelques mois, Apple fait l'objet de plus en plus de critiques. Accusée tour à tour de puritanisme, de paranoia, de mépris, ou encore de pratiques anticoncurrentielles, la firme de Cupertino semble -ironie- être devenue le "nouveau Microsoft", c'est-à-dire une entreprise aussi insubmersible qu’agressive -et menaçante. Signes des temps, elle vient d'ailleurs de dépasser son rival historique en termes de capitalisation boursière!

Au delà de ces reproches ponctuels, c'est sur sa politique commerciale qu'Apple est chaque jour un peu plus attaquée.

Comme chacun sait, le succès de la Pomme repose depuis toujours sur un environnement propriétaire et des clients plus ou moins captifs. Avec le développement du duo iPod/iTunes Music Store, puis de l'iPhone OS (désormais iOS), reposant à la fois sur iTunes et sur l'AppStore, cette tendance au cloisonnement s'est fortement accentuée. Ainsi, utiliser un iPhone, c'est quelque part être "inféodé" à Apple, puisque le seul moyen d'y installer des applications c'est de passer par l'AppStore. Et on ne parle même pas de l'iPad, qui sous ses airs d’ordinateur portable nouvelle génération, ne peut se connecter à aucun appareil tiers si ce n'est à un ordinateur équipé d'iTunes. La fameuse tablette fait ainsi l’objet d’autant d’espoirs que de craintes, certains estimant qu’elle signe la fin d’une époque, celle d’une culture numérique ouverte, fondée sur la réappropriation des contenus, le partage… et la gratuité.

Bien sûr, on n’en est pas encore là, et il y a fort à parier que les défenseurs d’une culture « libre » opposeront une certaine résistance avant que le modèle fermé d’Apple ne devienne la norme en matière de culture et le divertissement.

Il n’empêche : ce modèle tant décrié semble être aujourd’hui le plus adapté aux attentes du grand public. En témoigne un récent rapport réalisé par Edelman, portant en partie sur les principaux leviers d'achat de biens culturels.

Sans surprise, le plaisir procuré par l'œuvre, sa qualité technique (aspect général, image, son) et sa facilité d'achat (disponibilité, immédiateté) arrivent en tête des critères des consommateurs. En revanche, et c’est ce qui valide le modèle Apple, d’autres facteurs apparaissent moins décisifs. En l’occurrence, le nombre d'appareils sur lesquels on peut lire le bien culturel (la compatibilité des fichiers) n'est pas si important à leurs yeux. De même, la possibilité de faire des copies de l'œuvre ne serait-ce qu’à usage personnel ne serait pas si vital pour eux.

Une autre étude, publiée le 7 juin par Morgan Stanley semble partiellement confirmer ces observations. D’après la banque d’affaires, on serait successivement passé d’une ère où l’informatique servait principalement à créer (traitement de texte, graphisme), à une ère où elle permettait surtout de communiquer  (e-mail, messagerie instantanée), pour aujourd’hui entrer dans une ère où le maître-mot est consommation et échange de contenus.

Désormais, le grand public (de plus en plus des "digital naïves", à défaut d'être des "digital natives") souhaite juste acheter facilement et rapidement des œuvres  de bonne qualité, et ne voit pas d’inconvénient à ce que leur manipulation soit limitée ou qu’elles ne soient lisibles que dans un format propriétaire, tant que son expérience en est simplifiée et que la qualité soit au rendez-vous... et c'est pile ce que lui propose Apple.


1 commentaire:

  1. Très intéressant (comme d'habitude !)
    Tu aurais aussi pu évoquer la bataille menée contre Adobe, preuve supplémentaire qu'Apple veut maîtriser l'intégralité de la chaîne de production à la fois des appareils et des contenus.
    Personnellement, je trouve que le fameux spot où Apple parodiait IBM en Big Brother en 1984 pourrait bientôt revenir sur le devant de la scène, mais en inversé !
    http://www.youtube.com/watch?v=VjyrqVgWPXY

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