"Tiens Instagram, tu peux réutiliser librement cette photo", dixit le journaliste Olivier Tesquet |
Vous le savez sans doute : Instagram s'est récemment trouvé au cœur d'un scandale après avoir annoncé un changement de ses conditions
d'utilisation. En cause : quelques mots interprétés comme traduisant la
volonté de revendre les photos de ses utilisateurs sans les
rémunérer. Résultat : des millions de status, tweets, et billets de
mécontentement, et autant de déclarations de boycott de la célèbre
plateforme de photographie. Encore aujourd'hui, beaucoup
d'utilisateurs et de médias comme National Geographic, qui a suspendu son compte jusqu'à nouvel ordre, restent dubitatifs quant à la
protection de leurs données malgré les démentis de son fondateur
Kevin Systrom. En réalité, Instagram ne touchera pas aux photos mais
compte bien monétiser les interactions de ses membres avec les marques
qui y feront de la publicité.
Ce
qui me frappe, c'est à quel point "l'Insta-gate" ressemble point par
point à un autre scandale qui a secoué le Web 2.0 il y a à peine 3 mois.
Souvenez-vous : fin septembre, des internautes s'inquiètent de voir
leurs anciens messages privés affichés noir sur blanc sur leur timeline
Facebook à cause d'un bug. Une grosse panique s'empare alors de
tout le monde y compris des pouvoirs public, qui somment le réseau
social de s'expliquer. Bilan : une gigantesque hallucination collective
due à un changement d'interface, qui a bien fait remonter des mots...
qui étaient visibles sur les profils de chacun depuis le début.
Que
révèlent ces deux scandales aussi proches dans le temps que dans la
forme? Tout simplement la schizophrénie de notre génération (au sens
large), vis-à-vis du Digital et des entreprises qui font le Web.
D'un côté, nous sommes paranoïaques
La
multiplication des faits divers (divorces, licenciements, cambriolages)
et des études sur la transformation de la frontière public/privé a rendu le grand public très inquiet quant aux dérives
du système actuel, d'autant que le phénomène Wikileaks a profondément marqué les esprits en prouvant que l'on pouvait montrer l'immontrable.
Lorsque nous nous sommes rués sur les paramètres de confidentialité de
Facebook en septembre pour verrouiller notre mur, c'était ni plus ni moins qu'un Wikileaks
de la vie privée que nous voulions éviter...
Au sentiment
que plus rien n'en secret désormais s'ajoute une
forte défiance vis-à-vis des entreprises, quelles qu'elles soient. En
effet, dans une période de crise (économique, politique, morale...) où l'on
ne peut croire personne, comment faire confiance à des sociétés qui
tenteront tôt ou tard "de se faire du fric sur notre dos"? Racheté pour la somme mirobolante de 750
millions de dollars en avril, Instagram s'aligne (enfin) sur le business model
de sa maison mère Facebook et annonce vouloir faire du business grâce à la publicité. Une
activité forcément vue d'un mauvais œil par le grand public, qui est
intimement convaincu que les géants du Web feront tout pour grappiller quelques dollars, quitte
à se mettre à dos la moitié de la planète. C'est oublier, comme le
rappelle justement le journaliste MG Siegler, qu'une entreprise cherche
avant tout à plaire, pas à l'arnaquer. Et c'est
également oublier un autre principe essentiel du Web : "if it's free, then you are the product". Ou en bon Français : rien n'est jamais gratuit... et encore moins sur le Net!
Car de l'autre côté, nous sommes naïfs
Les internautes semblent tomber de haut lorsque Instagram leur annonce qu'il utilisera leurs données à des fins publicitaires. Mais en réalité, Google, Facebook ou encore Twitter font cela depuis belle lurette. Le contrat des géants du Digital, qu'ils soient moteurs de recherche, plateformes de partage ou webmails a toujours été très clair : c'est data contre services! Si le grand public l'a en partie intégré (par exemple, personne ne s'offusque de l'achat de mots clés sur Google) cela ne l'empêche pas de s'en émouvoir ponctuellement. Je vous parie que la prochaine mise en place par Facebook de publicités vidéos dans le newsfeed va provoquer une levée de bouclier!
Au-delà, nous sommes naïfs vis-à-vis des traces que nous laissons sur Internet. En effet, si les internautes ont peur que l'on détourne leurs données, ils n'arrêtent pas d'en produire pour autant. La preuve : la plupart des photos Instagram sont encore totalement publiques, ce qui serait paradoxalement inconcevable sur Facebook!
En réalité, nous sommes encore dans un entre-deux, ce que le sociologue Dominique Cardon appelle un "clair obscur", où nous génération, à la fois éblouie par la nouveauté et effrayée par les risques qu'elle sous-tend, doit encore faire son apprentissage. L'apprentissage d'une nouvelle manière d'envisager la vie privée et l'identité.
En réalité, nous sommes encore dans un entre-deux, ce que le sociologue Dominique Cardon appelle un "clair obscur", où nous génération, à la fois éblouie par la nouveauté et effrayée par les risques qu'elle sous-tend, doit encore faire son apprentissage. L'apprentissage d'une nouvelle manière d'envisager la vie privée et l'identité.
Qu'en pensez-vous?
Bienvenu chez les Bisounours : les gens libres dans leur prison mentale ;-)
RépondreSupprimerPas grand chose à ajouter... très juste comme d'habitude !
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